L’euphorie sur le marché stimule la construction d'entrepôts

22/09/2021

Le promoteur immobilier MG Real Estate souhaite doubler ses constructions d'entrepôts au Danemark au cours des prochaines années, selon Christopher Thomsen, responsable pays. Cette volonté s’explique par la chute des taux de vacance des entrepôts, à leur plus bas niveau depuis 14 ans. Plusieurs promoteurs entendent même construire des entrepôts avant de les avoir loués.

MG Real Estate | Børsen

Course effrénée aux espaces de stockage

L'essor du commerce électronique et l'affaiblissement des chaînes logistiques ont fait grimper en flèche le marché des entrepôts. Plusieurs promoteurs sont en train de développer des projets d'entrepôts avant même que les clients potentiels n'aient franchi le pas de la porte. Est-ce une bonne idée ou un investissement risqué ? Les avis des experts sont partagés.

Le promoteur immobilier européen MG Real Estate vient d'accueillir le premier locataire de son nouveau centre logistique de Taulov, situé près de Fredericia. Le centre s'étendra sur 80 000 m² au cours des prochaines années.

Godshotel, une société de logistique, a réceptionné les 15 000 premiers mètres carrés du projet de développement situé dans la région du Triangle, au Danemark. Et le fait que les clients se ruent sur ce projet de construction de MG Real Estate, lancé en mai, est enthousiasmant aux yeux de Christopher Thomsen, responsable pays (Danemark) du promoteur établi en Belgique.

« Notre projet de Taulov prend sérieusement son envol et nous sommes ravis d'accueillir Godshotel. Nous nous concentrons pleinement sur le développement optimal de nos solutions d'entreposage et de logistique pour le marché et pour nos clients. Et compte tenu de cette demande vigoureuse, la chance semble nous sourire », explique l’intéressé.

Construction spéculative

À la fin du mois d'août, lorsqu'une entreprise allemande aura pris possession du dernier étage de ses installations de 40 000 m² situées à Greve, la société belge pourrait annoncer un taux d'occupation de 100 % pour son deuxième site logistique danois. Et chez MG Real Estate, la situation évolue rapidement. Sa stratégie consiste à construire des entrepôts de manière spéculative. En d'autres termes, il s'agit de construire des entrepôts avant même que les clients potentiels ne viennent solliciter le promoteur. Le responsable pays note qu'au cours des prochaines années, la superficie de 40 000 m² sera portée à 100 000 m².

« Nous avons vu comment les stratégies des entreprises avaient évolué pendant la crise du Covid-19. Ce changement est très lié à l'évolution des habitudes de consommation, les Danois se tournant de plus en plus vers les achats en ligne. Cela a créé une demande accrue d'espace d'entreposage. Dans le même temps, plusieurs entreprises tentent de renforcer leur chaîne d'approvisionnement en rapprochant leurs stocks de leur principale clientèle. Cette tendance était déjà évidente avant le Covid-19. Toutefois, il ne fait aucun doute que les évènements se sont précipités », explique Christopher Thomsen.

Les chiffres de septembre publiés par Ejendomstorvet.dk, le plus important portail danois dédié à l’immobilier commercial, montrent que la surface vacante dans les entrepôts, la logistique et les sites de production a diminué de près d'un demi-million de mètres carrés au cours de l'année 2021. Cela représente une baisse de 26 % depuis son pic du quatrième trimestre 2020, lorsque le taux de vacance avait atteint 1,9 million de mètres carrés. Le taux de vacance s'élève à 2 %, soit le niveau le plus bas enregistré par Ejendomstorvet.dk depuis 2007.

Colliers, le plus grand agent immobilier commercial du Danemark, constate que le taux d'inoccupation historiquement bas combiné à l'explosion de la demande a créé des conditions exceptionnelles pour la construction spéculative d'entrepôts et de biens logistiques.

« En ce moment, le marché est en plein essor dans le sillage de la pandémie de Covid-19, et cela crée des conditions particulièrement favorables lorsqu’il s’agit de construire avant d’avoir signé des contrats avec les locataires », explique Peter Lassen, partenaire et directeur de Colliers.

Une demande soutenue

Pour Taulov Dry Port également, le faible taux d'occupation et le marché en pleine expansion ont incité la société à lancer l’étape suivante de sa construction spéculative. Les forces en présence sont l'entreprise publique locale ADP, qui possède et exploite les ports commerciaux de Fredericia et Nyborg, et le géant des retraites PFA ; ensemble, ils développent Taulov Dry Port sur une superficie de 900 000 m². Près de 90 000 m² d'entrepôts et de bâtiments logistiques ont déjà été construits, et le projet accueillera bientôt 60 000 m² supplémentaires.

« Nous constatons une demande émanant de nombreuses grandes entreprises danoises très consolidées. Les chaînes logistiques ont été mises à rude épreuve un peu partout et cela crée un besoin de capacités d'entreposage accrues ici au Danemark. Nos clients veulent être proches de leurs clients finaux afin que les marchandises ne soient pas bloquées en Asie, où ils n'ont aucun contrôle sur elles », explique Jesper Gemmer, CEO de Taulov Dry Port. Il considère également que le moment est venu de passer à l'étape suivante, compte tenu de l’emplacement idéal du site à proximité des autoroutes, des ports et des chemins de fer.

« L'entreprise a examiné les plateformes logistiques européennes avant de décider de développer Taulov Dry Port. Nos études indiquent que la croissance et la demande se concentrent dans les principaux hubs, c'est pourquoi nous avons choisi de construire ici », explique-t-il.

MG Real Estate et Taulov Dry Port construisent toutes deux des entrepôts avant d'avoir des clients pour les occuper. Elles réalisent des entrepôts et des biens logistiques flexibles à l’intérieur desquels les clients peuvent apporter des modifications finales si nécessaire. Leurs projets sont également développés par étapes afin d'éviter des taux de vacance trop élevés.

Les deux entreprises exigent que leurs projets soient situés à proximité des principaux corridors de transport. Les deux entreprises construisent à Taulov, près de Fredericia, qui est proche d'un excellent réseau de transport comportant des chemins de fer, des ports et des autoroutes.

Doublement de la surface au programme

Christopher Thomsen explique que MG Real Estate souhaite doubler sa surface au Danemark dans les années à venir par rapport aux 180 000 mètres carrés actuels. Ces mêmes exigences devront être respectées pour les futurs projets de construction.

« Nous avons de grands projets d'expansion au Danemark. Le marché de la logistique a pris du retard par rapport aux pays voisins, mais cette demande se manifeste maintenant. Nous voulons être proches des grandes villes et des nœuds autoroutiers, car les clients veulent aussi se trouver à proximité du site de destination de leurs produits », insiste-t-il.

Une enquête menée par EjendomDanmark, association sectorielle des propriétaires et des bailleurs de biens immobiliers, montre que le secteur nourrit clairement des attentes importantes à l’égard du marché des biens industriels et logistiques par rapport aux bureaux, aux commerces et aux biens résidentiels.

Cela incite Morten Marott Larsen, vice-président d'EjendomDanmark, à penser qu'il est particulièrement judicieux pour les acteurs de développer des projets qui peuvent être prêts pour les locataires au moment où ils en ont besoin.

« Pour une société, il est judicieux de construire de manière spéculative s'il existe une probabilité suffisante que les locataires soient au rendez-vous. Il est raisonnable d'accepter un certain risque et de construire avant que le locataire ne soit prêt, faute de quoi vous risquez de perdre un locataire potentiel si vous n'avez pas de biens disponibles », observe-t-il.

Très risqué

Même si les taux d'inoccupation sont historiquement bas et que les entreprises ont besoin de plus d'espace d'entreposage, Poul Erik Beth, agent immobilier commercial d’EDC, ne considère pas le marché de la construction spéculative comme une poule aux œufs d’or pour les grandes entreprises.

« La plupart des grandes entreprises ont des listes d’exigences précises pour leurs biens immobiliers, ce qui peut rendre les modifications coûteuses si le bien est déjà construit. Nombre de mes clients business ont une vision claire de ce à quoi doit ressembler leur entrepôt, ce qui signifie qu'un entrepôt prédéveloppé n'est pas particulièrement attrayant », explique Kenneth Hauge Jakobsen, spécialiste de l'industrie et de la logistique d’EDC. Il souligne qu’il peut être très risqué d'investir dans une construction spéculative en raison de la difficulté à calculer le prix et les rendements, car le coût de la conversion pour répondre aux besoins des clients peut se révéler déraisonnablement élevé. »

Christopher Thomsen reconnaît que développer des projets sans avoir de clients prêts à signer comporte des risques importants. Il estime toutefois que le jeu en vaut la chandelle.

« Nous investissons beaucoup d'argent dans un bien pour lequel, en principe, nous n'avons pas encore de clients. Nous croyons en notre produit. Et bien sûr, nous nous abstenons d’acheter un grand site à développer si nous pensons qu'il ne recèle aucun potentiel. « Le marché connaît une telle effervescence que les clients ne peuvent pas attendre les 10 à 12 mois nécessaires à la construction du bien immobilier. C'est un risque calculé », explique-t-il, sans toutefois chiffrer le montant que MG Real Estate cherche à investir au Danemark.

Flexibilité et contrats plus courts

« Dans cinq à six ans, lorsque Taulov Dry Port aura terminé le développement du centre de transport et de logistique de Taulov et ses 300 000 mètres carrés prévus, la construction aura nécessité un investissement d'environ 2 milliards de couronnes danoises », déclare Jesper Gemmer. Contrairement à Kenneth Hauge Jakobsen, il considère qu'il est dans l'intérêt de l'investisseur que les bâtiments d'entrepôt soient génériques, car ils peuvent être modifiés pour s'adapter à chaque client. Et cela rend les baux plus flexibles.

« Si vous construisez une installation pour un client, il faut l'amortir sur une longue période, par exemple un bail de 20 ans. Toutefois, une fois qu'un locataire est parti, il est très difficile de trouver quelqu'un pour qui le lieu convient à 100 %, ce qui signifie que vous devrez assumer des coûts de conversion. Mais si vous avez un bien plus générique et plus uniforme, vous n'avez pas besoin d’apporter beaucoup de modifications. Cela signifie également que vous pouvez fonctionner avec des durées de bail plus courtes », explique Jesper Gemmer, qui ajoute qu'il voit le marché évoluer vers des baux plus flexibles.

« Très souvent, lorsque les entreprises nous contactent, elles ne savent pas si elles ont besoin de louer 2 000 ou 6 000 m², par exemple. Ici, elles peuvent étendre la surface occupée, et ce que nous constatons, c'est que la flexibilité et les baux de plus courte durée sont des tendances majeures. »

Chez Colliers, on ne distingue aucun signe laissant entrevoir une baisse de la demande d'installations logistiques dans un avenir proche. Malgré les risques plus importants associés à la construction spéculative par rapport à la construction avec prélocation, l'agent immobilier commercial estime que le risque supplémentaire est à son niveau le plus bas depuis plus de dix ans.

« Compte tenu de l'énorme demande actuelle du marché, nous pensons que les investisseurs devraient envisager d'assumer davantage de risques et construire avant que les clients ne soient disposés à mettre la main à la poche. Cela pourrait se révéler être un très bon investissement », déclare Peter Lassen.